Après un premier semestre en demi-teinte, le 3e trimestre 2025 a confirmé le ralentissement du marché francilien des bureaux avec un peu moins de 380 000 m² commercialisés sur la période. Ce résultat porte à 1,19 million l’ensemble des m² placés depuis janvier en Île-de-France, soit une baisse de 8 % sur un an et de 21 % par rapport à la moyenne décennale. Le repli de la demande s’observe plus particulièrement sur le créneau des grandes surfaces ≥ 5 000 m² (- 15 % sur un an), tandis que les petites et moyennes surfaces résistent (- 5 %). Conséquence du repli de la demande et de livraisons toujours nombreuses, le taux de vacance poursuit sa hausse, s’établissant à 10,9 % à l’échelle régionale contre 9,2 % il y a un an. La progression est particulièrement nette dans Paris intra-muros (7,1 % contre 4,8 % il y a un an), où la vacance atteint un niveau inédit.
Dans ce contexte moins porteur, lié aux difficultés de l’économie française, aux incertitudes politiques et à la prudence d’entreprises soucieuses de maîtriser leurs coûts immobiliers, certains segments de marché parviennent à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas des grands centres d’affaires du QCA, dont la résistance illustre la solidité plus générale de l’immobilier parisien haut de gamme.
Des « paquebots tertiaires » au cœur du QCA
Ensembles emblématiques du marché parisien, les 14 centres d’affaires étudiés par Newmark totalisent près de 400 000 m² de bureaux, soit 6 % du parc tertiaire du QCA. Anciens sièges de grandes banques françaises et d’entreprises internationales, ils ont pour la plupart été restructurés entre la fin des années 1980 et le début des années 1990 pour accueillir plusieurs locataires. Incarnant la modernité de l’époque tout en s’inscrivant dans le tissu haussmannien de la capitale, leur grande taille, leur architecture parfois imposante, leur situation centrale, la qualité de leurs services et le profil des entreprises qu’ils hébergent en font des actifs d’exception.
Ces immeubles affichent un taux d’occupation moyen de 94 %, « résultat d’une gestion proactive et d’une amélioration continue des prestations proposées aux utilisateurs, qui leur permettent de traverser les cycles immobiliers sans perdre leur attractivité », explique David Bourla, Directeur des Études chez Newmark France. Ce taux d’occupation élevé est en effet l’un des marqueurs de la réussite des centres d’affaires parisiens, que leurs propriétaires conservent souvent très longtemps en patrimoine. Gérés par un nombre restreint de propriétaires, ces derniers les détiennent ainsi en moyenne depuis plus de vingt ans ; d’où le caractère exceptionnel de la vente par Union Investment à Blackstone en 2025 de l’un des ensembles les plus emblématiques du QCA, « Paris Trocadéro », pour plus de 700 millions d’euros.
Un modèle qui séduit toujours les entreprises
Newmark a identifié près de 190 prises à bail de surfaces > 500 m² depuis 10 ans au sein des 14 centres d’affaires de Paris QCA. Leur volume totalise 340 000 m², soit 8 % des surfaces commercialisées au sein du QCA. Ce chiffre est d’autant plus significatif qu’il ne comprend pas les renouvellements de baux, très fréquents et parfois importants dans les centres d’affaires (Bpifrance au 6-8 Haussmann, Banque de France dans « Paris Bourse », etc.). Depuis le début de 2025, les volumes placés s’élèvent à 23 000 m² environ (contre 30 000 m² en 2024), principalement concentrés dans deux immeubles ayant récemment fait l’objet de travaux de réhabilitation: « Capital 8 » et « Louvre Saint-Honoré ».
Le profil des utilisateurs est largement dominé par le secteur banque-finance-assurance, à l’origine de 40 % des volumes placés depuis 2015. Ces dernières années, une diversification progressive s’opère toutefois, avec la montée en puissance de nouveaux acteurs. « Les dernières années ont vu à la fois une consolidation des tendances historiques – la finance confortant par exemple son rôle grâce au Brexit et à l’attractivité accrue de la place de Paris – et une diversification progressive du tenant mix grâce aux arrivées de nouveaux acteurs, du digital notamment » détaille David Bourla. Ainsi, Vestiaire Collective et Meetic ont par exemple repris les surfaces libérées par la Banque de France dans « Opéra Victoire ».
Leur capacité à retenir et attirer les entreprises du QCA est une autre particularité du modèle. 75 % des prises à bail recensées dans ces immeubles depuis 2015 portent ainsi sur des entreprises originaires de ce marché – une part qui est même passée à 84 % lors des cinq dernières années. Les départs vers d’autres secteurs que le QCA demeurent exceptionnels. « Dans la plupart des cas, il s’agit de s’agrandir et de diminuer les coûts immobiliers en s’installant dans des secteurs tertiaires moins onéreux, ou alors de s’offrir son propre immeuble siège. Ceci ne traduit donc pas une désaffection du modèle, mais plutôt une évolution naturelle de la vie des entreprises » poursuit David Bourla.
Des loyers au sommet, reflet du succès de l’ultra-prime parisien
Comme le reste du QCA, les centres d’affaires ont connu une hausse marquée des loyers ces dernières années. Depuis 2015, leurs valeurs top ont ainsi progressé de plus de 40 % et une douzaine de signatures ont dépassé 1 000 €/m²/an depuis 2024. Ce phénomène ne se limite pas aux centres d’affaires des 8e et 16e arrondissements: des immeubles comme « Louvre Saint-Honoré », « #Cloud.Paris » ou « Édouard VII » atteignent désormais des niveaux comparables à ceux des adresses les plus prestigieuses de la capitale. Ces nouveaux records s’expliquent à la fois par la livraison récente d’opérations de réhabilitation très qualitatives, et par la capacité de certains utilisateurs, notamment issus de la finance et habitués à des marchés de bureaux plus onéreux, comme Londres, à payer des loyers élevés. « Le centre d’affaires s’impose aujourd’hui comme un actif « ultra-prime » à part entière, capable d’afficher des loyers élevés même sur des surfaces rénovées ou de seconde main » commente David Bourla.
Du centre d’affaires au “lifestyle center”
Depuis quelques années, plusieurs opérations de réhabilitation ont profondément transformé certains centres d’affaires, à l’exemple de la refonte récente de « Capital 8 » ou de « Louvre Saint-Honoré », au sein duquel la Fondation Cartier s’apprête à ouvrir ses portes. Ces opérations ont permis une amélioration technique des immeubles, notamment pour répondre aux exigences du décret tertiaire, tout en répondant aux nouveaux enjeux du travail par une montée en gamme des services proposés (création d’espaces extérieurs, offre de restauration revisitée, accueil des mobilités douces, etc.).
Cette modernisation s’accompagne d’une évolution du concept même de centre d’affaires, inspiré des codes de l’hôtellerie de luxe et du retail : accent sur l’expérience utilisateur, mise en scène architecturale, services personnalisés et animation communautaire. Les centres d’affaires deviennent ainsi des « lifestyle centers », capables d’offrir une expérience complète aux entreprises et à leurs collaborateurs : travail, détente, culture et socialisation. Un modèle incarné par les projets de nouvelle génération actuellement en préparation tels « Signature » (ex-Solstys, Paris 8e), « Kennedy » (Paris 16e) ou encore « Condorcet » (Paris 9e). Autant de futures incarnations du « bureau désirable » alliant cachet patrimonial, flexibilité, confort et services premium.
« Le centre d’affaires parisien est une synthèse parfaite entre histoire et modernité. Sur un marché immobilier actuellement chahuté, ces « paquebots tertiaires » restent une valeur refuge… et une source d’inspiration pour le bureau de demain » conclut David Bourla.
1Cinq dans le secteur de l’Étoile (Capital 8, Cézanne Saint-Honoré, Étoile Saint-Honoré, Paris Trocadéro, Washington Plaza), neuf dans celui de la Cité Financière (Centorial, Édouard VII, Louvre Saint-Honoré, Opéra Victoire, Paris Bourse, Paris Victoire, Vendôme-Saint-Honoré, 6-8 Haussmann, #Cloud).
