Contexte francilien : le marché peine à redémarrer
Après un recul de 13 % des volumes placés en 2024, l’activité du marché des bureaux d’Ile-de-France ne s’est pas redressée au début de 2025. “425 000 m² ont été pris à bail au 1er trimestre, soit un recul de 4 % par rapport à la même période l’an passé et de 18 % par rapport à la moyenne décennale” annonce Arthur Saunier, Directeur de l’Agence Bureaux chez Newmark. Le marché pâtit sans aucun doute d’un environnement macro-économique peu porteur, entre ralentissement de la croissance, détérioration du marché de l’emploi et baisse des investissements des entreprises. La conjoncture internationale est en outre devenue plus imprévisible du fait des politiques changeantes de la nouvelle administration américaine.
Le repli de l’activité locative concerne surtout les grandes surfaces. Seuls 13 mouvements ≥ 5 000 m² ont été recensés en Ile-de-France au 1er trimestre 2025, pour un volume de 140 000 m² en baisse de 24 % d’une année sur l’autre. Les volumes placés < 5 000 m² progressent en revanche de 7 % sur un an grâce au dynamisme des surfaces de taille intermédiaire (1 000 – 5 000 m²).
Paris domine moins que l’an passé, concentrant 41 % des volumes placés en Ile-de-France au 1er trimestre 2025 contre 53 % il y a un an. Si l’activité est stable dans le QCA, elle ralentit dans d’autres quartiers, plombée par le manque de grands mouvements. Hors de Paris, la bonne tenue des marchés de l’Ouest est le fait saillant du trimestre, avec une hausse de 18 % des volumes placés à La Défense et cinq grandes transactions dans le Croissant Ouest. La dynamique est également positive en 1ère couronne, où la demande placée est même supérieure à la moyenne décennale dans l’Est et le Nord. À l’origine de 58 % des volumes placés en 1ère couronne en 2024, l’administration signe par ailleurs la plus grande transaction du 1er trimestre 2025 en Ile-de-France : la location par le Département de Seine-Saint-Denis des 29 000 m² de « Pulse » à Saint-Denis. D’autres mouvements d’ampleur gonfleront prochainement les volumes placés (ministère de l’Education nationale et des Sports sur près de 40 000 m² à Gentilly, etc.).
“Dans le contexte d’incertitude actuel, les grands marchés de périphérie bénéficient sans aucun doute des politiques de rationalisation immobilière des utilisateurs, qu’il s’agisse d’administrations ou d’entreprises privées. Les preneurs y profitent de conditions de bail avantageuses – avec des mesures d’accompagnement oscillant en moyenne entre 30 et 50 % quand elles ne dépassent généralement pas 20 % dans Paris – et d’une offre très abondante” explique Arthur Saunier. Avec 5,8 millions de m² disponibles en Île-de-France, soit un taux de vacance de 10,3 % contre 8,8 % à la même période en 2024, l’offre immédiate continue même de progresser (+ 3 % en un trimestre et + 18 % en un an). Elle atteint de nouveaux sommets dans plusieurs secteurs de périphérie comme le Nord, le Sud et la Péri-Défense, mais se stabilise à La Défense. Enfin, l’offre disponible augmente dans Paris intra-muros mais reste limitée dans les quartiers centraux de la capitale. C’est le cas du QCA dont le taux de vacance s’établit à 4,1 % contre 2,5 % il y a un an, permettant ainsi de donner un peu plus de fluidité à l’activité locative.
Très importantes en 2024, les livraisons le seront encore en 2025 avec près d’un million de m² de bureaux ≥ 5 000 m² dont 47 % sont encore disponibles et majoritairement situés en périphérie. Un changement de tendance s’amorcera en 2026 avec moins d’offres disponibles et des projets majoritairement situés dans Paris. La décrue des livraisons sera surtout significative à partir de 2027, avec moins de 300 000 m² certains à livrer dont 69 % sont à ce jour disponibles. Très peu sont en outre localisés dans le Croissant Ouest et en 1ère Couronne. “Le taux de vacance pourrait alors se stabiliser en périphérie, voire commencer à diminuer si le regain de demande observé au 1er trimestre 2025 ainsi que les transformations de bureaux en logements s’accéléraient” suggère Arthur Saunier.
“A l’Est du nouveau” : les bureaux de l’est parisien changent de braquet
Plusieurs grandes prises à bail de bureaux ont récemment été signées au sein d’un territoire comprenant l’est des 1er, 2e et 9e arrondissements et le secteur de Paris 3-4-10-11. L’attrait des utilisateurs pour ce marché de “Paris Centre Est” n’est pas nouveau. Plusieurs acteurs du coworking et de la Tech y sont depuis longtemps établis. Toutefois, “les grandes transactions et les prises à bail d’utilisateurs plus ‘conventionnels’ s’y sont récemment multipliées, actant un certain embourgeoisement de ce marché et lui conférant une place désormais plus importante dans la hiérarchie des secteurs tertiaires parisiens” affirme Arthur Saunier.
Contrastant avec les marchés les plus établis de la capitale, Paris Centre Est se distingue par ses bureaux majoritairement situés dans le diffus, au sein d’un environnement dominé par la fonction résidentielle. Compte tenu d’un foncier très restreint, l’essor de ce marché tertiaire s’est principalement appuyé sur la réhabilitation de l’existant, en particulier la reconversion de locaux d’activités (ateliers, centraux téléphoniques, parkings, etc.) témoignant de l’histoire artisanale et industrielle de certains quartiers. Encore aujourd’hui, ces opérations de recyclage permettent de développer des bureaux modernes, susceptibles de plaire aux entreprises et aux nouvelles générations de salariés, à l’image des actifs en cours de restructuration par Covéa Immobilier au 18 boulevard de Bonne Nouvelle (ex-locaux téléphoniques) et au 102 rue de Charonne (ex-immeuble occupé par la RATP).
Ces deux opérations ≥ 5 000 m² figurent parmi les sept prises à bail recensées dans Paris Centre Est depuis le début de 2024 pour un volume total de 65 000 m², contre deux totalisant 19 000 m² en moyenne chaque année depuis dix ans. Le changement de dimension du secteur est également attesté par le prestige de certains preneurs, leaders mondiaux du luxe (Cartier au 11 rue Béranger) ou de l’agro-alimentaire (Danone dans “L’Hermione” au 59-61 rue La Fayette). Enfin, l’origine géographique des entreprises ayant opté pour des bureaux dans Paris Centre Est montre que ce territoire est une alternative de plus en plus crédible pour des entreprises établies dans l’ouest parisien, à l’image des déménagements récemment décidés par BDO, Danone, Qonto, Redbull ou encore Citeo. “Ceci marque un certain rééquilibrage Ouest-Est du marché parisien des bureaux, même si l’Ouest domine encore largement l’activité locative de la capitale” nuance Arthur Saunier.
Conséquence de cet « embourgeoisement » et de la prise à bail d’actifs très qualitatifs, les loyers ont connu une forte inflation. Quasiment inexistantes avant la crise sanitaire, les signatures supérieures à 800€/m²/an s’y sont depuis multipliées. Dans Paris 3-4-10-11, les loyers moyens et prime ont par exemple augmenté de 26 et 39 % depuis 2021. La hausse des valeurs s’explique aussi par une offre structurellement limitée. Ainsi, le taux de vacance de ce secteur n’avait quasiment jamais dépassé 5 % entre le début des années 2000 et le milieu de 2024. S’il s’établit désormais à 8,6 %, le volume d’offres demeure limité et largement concentré dans les 11e et surtout 10e arrondissements.
Les disponibilités à venir sont également limitées et très localisées. Seuls 60 615 m² de bureaux neufs-restructurés sont ainsi attendus dans le secteur 3-4-10-11 sur la période 2025-2027*. Dans l’est des 1er, 2e et 9e arrondissements, les projets sont également peu nombreux, et surtout situés près des grands boulevards. Le bon écoulement de ces opérations paraît assuré en raison de l’appétit des utilisateurs pour les bureaux neufs-restructurés, du goût des nouvelles générations pour les environnements très urbains et d’une excellente accessibilité par les transports en commun. À plus long terme, l’offre restera très restreinte. Le parc de bureaux de Paris Centre Est pourrait même diminuer étant, avec l’Ouest, l’un des territoires privilégiés par la Ville de Paris pour produire du logement social. Les 10e et 11e font ainsi partie des arrondissements comprenant le plus de bureaux « pastillés » dans le cadre du nouveau PLU bioclimatique (14 % du nombre total de pastilles à eux deux), pour un total de 70 000 m² pouvant potentiellement changer d’usage.
Si les perspectives sont favorables, le contexte a toutefois évolué. On peut ainsi s’interroger sur l’impact du ralentissement de l’économie sur l’activité locative. Plusieurs secteurs d’activité clés pour le marché des bureaux de Paris Centre Est pâtissent en effet d’un environnement plus incertain, illustré par la baisse des ventes du luxe ou le déclin des levées de fonds dans la Tech. La hausse des loyers relevée ces dernières années pose en outre la question de la possibilité pour les utilisateurs d’absorber une nouvelle augmentation des valeurs dans les quartiers les plus offreurs de Paris Centre Est (Paris 10e). Enfin, elle questionne également la capacité de ce dernier à élargir encore son “tenant mix” du fait des valeurs plus compétitives pratiquées dans d’autres marchés et de la volonté d’un nombre croissant d’entreprises de réduire leurs coûts immobiliers.
Ajoutons à cela la concurrence potentiellement plus importante d’autres secteurs tertiaires, liée à la hausse quasi générale de l’offre dans Paris. C’est le cas dans le QCA, dont le taux de vacance demeure toutefois limité et où les loyers prime restent nettement supérieurs à ceux de Paris Centre Est (+ 39 % au début de 2025). L’offre s’accroît également dans d’autres quartiers hors du QCA. “La concurrence de projets situés sur la rive gauche ou dans le nord-est de la capitale semble néanmoins devoir rester limitée compte tenu, pour les premiers, de la réticence de certaines entreprises de la rive droite à passer la Seine et, pour les seconds, d’un environnement moins haut de gamme et parfois moins sécurisé” conclut Arthur Saunier.

